FRIENDLY MELANCOLIA
Vue de détail de l’installation au sol (360 solides).
Vue d’exposition 4/4 Une Constellation, Le Quartier, 2015. © Aurélien Mole.
Le 10 janvier 1992, 28800 tortues, canards et autres jouets de bain (nommés les Friendly Floatees par les fabricants) se sont déversés dans le Pacifique suite à la perte d’un container par un cargo. L’image comique d’une colonie de canards en plastique prenant un bain dans l’océan s’est métamorphosée au fil des années de dérive en catastrophe écologique. Friendly Melencolia retranscrit ce fait divers par une installation immersive et monumentale: démultiplier 28800 fois le polyèdre inventé par Dürer en 1514 en lui donnant la dimension d’un canard de bain. Inévitablement bousculés du pied, ces symboles de la pensée rationnelle vacillent dans l’espace d’exposition au gré du passage des visiteurs. Ils se déforment doucement jusqu’à perdre leur caractère de perfection mathématique - pour acquérir chacun une forme singulière. À chaque exposition, de nouveaux solides sortis du moule s’ajoutent aux “anciens”, plus ou moins déformés et marqués par le temps des expositions précédentes.
FRIENDLY MÉLANCOLIA
Plâtre polyester et poudre d'os carbonisé, 2015
Work in progress: 360 tirages sur 28800.
“ L’installation Friendly Melencolia vient perturber et informer l’espace d’appréhension de ces récits par la mise en espace d’une micro-dérive sculpturale. Les solides en plâtre polyester (…) sont tirés à partir d’un moule du polyèdre dessiné par Albrecht Dürer dans la gravure Melencolia I, symbole de la pensée rationnelle qui vacille face à l’impossibilité de contrôler, comprendre et façonner le monde. L’image des objets flottants et polluants, signe tragi-comique de la faiblesse technologique et de l’hyperproduction irrationnelle, est transmuée par le prisme d’une des plus célèbres représentations de l’intelligence et de la création humaine face au chaos, au passage du temps et à la beauté. Ceci génère une poésie, fragile et contrariante, tel l’oxymore qui forme le titre de l’œuvre. Produites en tant que multiples, les sculptures prolifèrent et prétendent envahir l’espace. En même temps, telle la boîte dans l’océan, elles se laissent emporter et consommer par le passage des visiteurs. Leur dérive participe du même fantasme qui traverse The Long Lost Signal : parcourir un territoire inconnu et l’appréhender tout en restant en-dehors de lui, condition même pour pouvoir en jouir. ”
Michela Saccheto, extrait du texte de l'exposition 4/4 Une constellation, Centre d'Art Contemporain Le Quartier, Quimper, novembre 2015.